doi:10.58079/qdrr

L’appréhension des interstices de transnationalité au sein de la plateforme RSE

par Interstices · 12/06/2019

René de Quenaudon, professeur à l’Université de Strasbourg, 25 septembre 2018

Quelques mots-clé
1. Droits humains des travailleurs
2. Interstice(s)
3. Responsabilité sociale de l’entreprise
De la plateforme et de sa contribution à la lutte contre les interstices transnationaux sociaux
1. Un condensé de l’histoire de la plateforme
2. Les apports de la plateforme RSE à la lutte contre les interstices transnationaux sociaux
  1. La transparence
  2. La vigilance
  3. La gouvernance

Avant d’entrer dans le vif du sujet – à savoir de quelles manières les interstices de transnationalité sont appréhendés au sein de la « plateforme nationale d’actions globales pour la responsabilité sociétale des entreprises » (par la suite, nous l’appellerons la « plateforme ») (II) -, il nous faut dire quelle est notre compréhension de certains mots ou groupe de mots qui sont au centre de notre propos (I).

I.- Quelques mots-clés

Ils sont au nombre de trois : les « droits humains des travailleurs » (A), les « interstices » (B) et la « responsabilité sociale des entreprises » (RSE) (C).

A) Droits humains des travailleurs

Avant de parler des travailleurs, disons quelques mots sur les droits humains ou droits de l’homme[1]ou, plutôt, sur une caractéristique qu’on leur prête, à savoir leur universalité[2]. Selon certains, ces droits tirent leur universalité d’une essence humaine qui serait la révolte contre la souffrance et la lutte contre la privation de liberté[3]. Ces mêmes personnes considèrent comme une évidence la conversion du monde entier[4]à l’idéal que représentent les droits de l’homme[5] ; ils ne peuvent même pas concevoir qu’il puisse en être différemment[6]. Certes, comme n’importe quel observateur, ils constatent aujourd’hui des situations de négation des droits de l’homme, mais ils les analysent comme tout au plus des hoquets de l’« Histoire » – à l’image des progressistes confrontés aux abominations qui ont eu lieu au siècle dernier[7] ; ils refusent de les voir comme la preuve que l’universalité des droits de l’homme n’est qu’une illusion[8]. Inversement, les opposants aux droits de l’homme soit les rejettent en faisant valoir un argument théologique[9], soit transforment leur substance en invoquant l’argument colonial[10]ou social[11]. Comme l’a relevé Patrick Wachsmann, cette « mise en cause vise en réalité l’essence même des droits de l’homme, impossibles à dissocier de leur version occidentale, sauf à faire perdre aux mots toute leur signification : mettre les droits de l’homme sous la dépendance des droits de Dieu, c’est affecter leur substance d’un coefficient d’incertitude qui revient à la nier »[12]. Alors, comment parler des droits de l’homme en évitant à la fois le piège du colonialisme – qui voudrait que d’un côté il y ait la civilisation et de l’autre les cultures – et celui de relativisme culturel – selon lequel tout se vaut, ce qui revient à la fin de l’idée selon laquelle il n’y a qu’une humanité ? Selon certains, c’est en distinguant universalisme et universalité, c’est-à-dire en reconnaissant que si la conception occidentale des droits humains a vocation à l’universalité, elle ne l’a qu’à ses propres yeux et aux yeux de ceux qui y adhèrent[13]. D’autres, insistant sur le fait que l’Occident n’a pas le monopole de la pensée rationnelle, considèrent que l’universel est quelque chose qu’on négocie ensemble ; il s’agirait de faire du « commun » ; tel serait le cas de l’accord de Paris du 12 décembre 2015 conclu dans le cadre de la COP 21[14].

La signification des droits humains étant ainsi précisée, que faut-il entendre par droits humains des travailleurs ? Que pointe cet ajout ? En français, le travailleur c’est, au sens large, la « personne qui exerce une activité manuelle ou intellectuelle utile, qu’elle soit ou non rétribuée »[15]et, plus restrictivement, le travailleur c’est le « salarié d’une entreprise »[16]. C’est dans ce dernier sens que nous utiliserons ce mot. Mais pourquoi y a-t-il des droits humains propres aux travailleurs ? La réponse est historique. Lorsque des règles juridiques propres à une catégorie d’humains sont édictées, cela signifie en général la volonté soit de la stigmatiser[17]soit de la protéger. Les règles qui régissent les relations de travail salariées appartiennent à cette seconde catégorie. Elles opèrent une « désintrication » du droit et du pouvoir en assujettissant le chef d’entreprise au respect d’une loi qui lui est extérieure[18]. Encore faut-il relever que le droit du travail n’a pas qu’une fonction sociale ; il a aussi une fonction économique[19], notamment dans les pays d’économie de marché où ce droit est un « droit capitaliste du travail »[20]. Cela est également vrai en ce qui concerne les droits humains des travailleurs élaborés sous l’égide de l’OIT. Certes, par ses conventions, l’OIT cherche, avant tout, à remplir sa mission de justice sociale[21]. Mais la défense des intérêts économiques se fait aussi entendre en son sein ; elle est assurée juridiquement par la représentation des entreprises, souvent appuyée par celle des États.

La deuxième observation se rapporte à la relation qu’entretiennent les droits humains des travailleurs et les droits humains sociaux. Les premiers ne sont qu’une partie des seconds, tant en droit français qu’en droit international public. Ainsi, pour déterminer le contenu des droits sociaux, la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) renvoie à la Déclaration universelle des droits de l’homme[22]et au Pacte international pour les droits économiques, sociaux et culturels[23]. On peut aussi relever que l’élargissement du périmètre des droits sociaux à d’autres personnes que les seuls travailleurs est conforme à la définition du mot « social » dans le concept « Responsabilité sociale des entreprises »[24].

La troisième observation est que les droits humains des travailleurs ne sont pas plus universels que les droits humains en général en dépit de ce que laisse croire l’Organisation internationale du travail (OIT)[25]. Ainsi, même les huit conventions que l’OIT a qualifiées de « fondamentales »[26]parce qu’elles représentent à ses yeux le socle irréductible des droits sociaux, n’ont pas toutes été ratifiées[27] ! Il y a même le cas d’un État qui, tout en ayant ratifié ces conventions, mène une politique qui viole ouvertement l’une d’entre elles[28]…

B) Interstice(s)

Étymologiquement, le mot vient du latin et désigne un intervalle[29]. À partir du XVI^esiècle, en français, un interstice, c’est un intervalle d’espace – par exemple, la fente qui lézarde le mur – ou un intervalle de temps – tel le répit dont, dans nos vies si remplies, on est souvent privé.

Monde imaginaire[30], le droit est plein de métaphores construites à partir du monde matériel. Alors qu’est-ce qu’un interstice en droit ? Selon l’association Sherpa, c’est un « vide juridique »[31]. Pour un juriste orthodoxe, une telle expression a-t-elle un sens[32] ? A priori, non puisque tout ce qui n’est pas interdit est permis par la loi[33]. En réalité, parler de « vide juridique », c’est faire référence aux lacunes de la loi. Les interstices en droit ce sont donc des lacunes législatives. De telles lacunes apparaissent dans deux cas. La première situation se présente lorsqu’il y a insuffisance du droit (par exemple en raison de l’interprétation que le juge donne de la loi ou lorsqu’il n’y a pas de loi pour régir une situation alors que l’on estime que tel devrait être le cas[34]). L’inflation normative contemporaine[35]montre que pouvoirs législatif et réglementaire ne chôment pas pour réduire de tels interstices[36] ; mais il leur arrive aussi à ces fabriques du droit de faire l’inverse, c’est-à-dire de créer des interstices parce qu’elles les estiment bénéfiques pour la société[37]. Le second cas d’interstices, c’est lorsque la règle applicable à la situation « n’apparaît pas opportune, satisfaisante ou juste »[38]. C’est sans doute dans ce sens-là qu’est compris ici le mot « interstice ». En effet, il est question d’espaces, d’intersections ou de failles « dans la protection des droits humains dans le contexte d’une situation économique transnationale ». Mais pourquoi ces interstices existent-ils, spécialement dans les relations de travail ou dans la protection de l’environnement ? Ils existent parce qu’il n’y a pas concordance suffisante entre les législations nationales et leur application pour y mettre fin. Le droit international public classique, celui des traités, n’y est pas parvenu. Et les propositions récentes pour accorder les législations nationales dans ces deux domaines semblent relever du domaine de l’utopie[39]. Pour des raisons différentes, il en va de même du droit international privé[40]. A ce jour, on ne peut que constater l’impuissance du droit à protéger les humains les plus faibles contre les méthodes prédatrices de certaines sociétés transnationales (ST)[41]. Le scandale est ancien ; ce n’est qu’avec la décolonisation que les pays en développement ont pu manifester leur colère et que des institutions comme l’OCDE[42]et l’OIT[43]ont commencé à réagir en appelant les ST à respecter un socle de droits humains. Plus tard, le mouvement altermondialiste a suscité la création d’un pare-feu onusien appelé Pacte mondial, invitant les entreprises du monde entier, grandes et petites, à s’engager à respecter le socle mondial des droits humains. Mais cela ne suffisant pas, le secrétaire général de l’ONU a nommé un représentant spécial chargé de la question des droits de l’homme et des sociétés transnationales et autres entreprises en la personne de John Ruggie. Ce dernier est à l’origine du rapport « Principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme : mise en œuvre du cadre de référence ‘protéger et réparer’ » (PDNU). Ce rapport est appelé à être mis en œuvre par les États ; l’Union européenne coordonne l’action de ses propres membres[44]. À cet ensemble de textes de droit souple[45]émanant d’organisations internationales publiques est venue s’ajouter, en 2010, la norme de management RSE, répertoriée ISO 26000, puis celle sur l’achat durable, référencée ISO 20400. C’est à ces textes que se réfèrent les ST dans leurs documents RSE, qu’il s’agisse de leurs codes de conduite, de leurs chartes ou des accords mondiaux qu’elles concluent avec des organisations syndicales. Mais que valent concrètementces normes RSE que les ST produisent ou s’approprient ? Comblent-elles ces béances qu’on appelle des interstices de transnationalité dans la protection des droits humains des travailleurs ? Évidemment non[46] ! Si cela était le cas, il n’y aurait pas eu la catastrophe de Bhopal, la tragédie du Rana Plaza[47]et tant d’autres événements dramatiques. Le travail qui reste à faire est donc immense.

C) Responsabilité sociale de l’entreprise

Nous allons essayer de la cerner à travers trois observations.

Première observation.- On peut de plus en plus constater, en étudiant les pratiques des entreprises qui affichent une démarche RSE, que cette dernière s’affirme comme la déclinaison de l’idée de développement durable, ce grand projet onusien annoncé en 1987 par le rapport Brundtland, et mis sur les rails en 1992 dans le cadre de la conférence de Rio.

Deuxième observation.- Qu’est-ce qu’une entreprise RSE ? C’est une entreprise dont les choix managériaux concilient les intérêts économiques, sociaux et environnementaux ; en d’autres termes, c’est une entreprise qui continue à se développer tout en agissant pour le bien commun. Pour prouver que la RSE est bien sa boussole managériale, elle publie des chiffres, beaucoup de chiffres[48]qui ont pour but de montrer à ses parties prenantes qu’elle progresse non seulement économiquement mais aussi socialement et dans la protection de l’environnement. Cependant, cela n’est pas la preuve d’une conciliation des intérêts en présence, mais plutôt celle de leur addition. À aucun moment, il n’apparaît dans ces documents que l’entreprise, tout bien pesé, a choisi de faire prévaloir la protection de l’environnement ou le maintien de l’emploi sur la maximisation du profit. Certaines parties prenantes, en premier les actionnaires, pourraient ne pas apprécier du tout un tel choix. L’existence de ce dernier est donc éludée alors qu’il est au cœur de la RSE. Laisser croire qu’un équilibre coopératif entre les différents intérêts en présence est possible relève, le plus souvent, de la chimère[49]. Le décideur est payé pour réaliser le profit maximal ; dès lors, les choix sociaux et environnementaux sont subordonnés à la recherche de celui-ci. En matière sociale, dès le XIX^esiècle, les tenants du paternalisme managérial avaient parfaitement compris cela en créant des œuvres sociales, non d’abord par souci de la condition ouvrière, mais avant tout pour capter et garder une bonne main d’œuvre. Aujourd’hui, il en va de même en matière environnementale ; le décideur ne prend en compte la lutte contre le dérèglement climatique ou contre la perte de la biodiversité que dans la mesure où elle apparaît comme pouvant contribuer à la pérennité de l’entreprise en créant de valeur à long terme[50]. Ce constat est à l’origine d’un débat universel que l’on retrouve au sein de la plateforme ; il porte sur les normes RSE. Pour certains, notamment pour les représentants des entreprises et les gouvernements qui leur sont proches, les normes dures, étatiques n’ont pas leur place dans la RSE. Il revient aux entreprises d’élaborer les normes RSE, lesquelles sont des normes souples. Pour d’autres, notamment les ONG, les syndicats et les gouvernements qui leur sont proches, le raisonnement est inverse. De fait, cette opposition, bien réelle, n’est pas aussi tranchée que cela, surtout dans les pays développés où une importante législation sociale et environnementale est imposée aux entreprises[51]. Dans ces pays, la question est de savoir s’il faut aller plus loin et, par le biais de différentes normes (fiscales, comptables, commerciales…), peser davantage sur les arbitrages stratégiques de l’entreprise.

Dernière observation.- On vient de s’en apercevoir : pour les juristes, la RSE est une révolution normative[52] ; elle est une formidable fabrique de droit souple au point que son mode de production de normes finit par inspirer le droit étatique interne, y compris celui des États traditionnellement attachés aux normes dures[53]. Par ailleurs, la RSE opère un profond changement dans la relation entre les entreprises et l’État, en responsabilisant les premières et en faisant du second un contrôleur : c’est la compliance[54].

II.- De la plateforme et de sa contribution à la lutte contre les interstices transnationaux sociaux

Le général de Gaulle aurait peut-être traité la plateforme de « machin » ou de « comité Théodule »[55]tant certains voient en elles une instance inutile traduisant l’incapacité d’un État à se mêler de tout, y compris de ce qui ne le regarde pas. D’autres, cependant, estiment que sa création témoigne d’une habileté politique permettant, par des rencontres à portes closes et soumises aux règles de Chatham House[56], d’atténuer si ce n’est de désamorcer des conflits entre le monde économique et le monde associatif et syndical sur la question du lien entre l’entreprise et son environnement lato sensu. Ce dernier point de vue n’a sans doute pas été absent des préoccupations de ceux qui ont décidé de la création de la plateforme. Revenons brièvement sur son histoire (A) avant de dégager ses apports dans la lutte contre les interstices transnationaux sociaux (B).

A) Un condensé de l’histoire de la plateforme

La plateforme est une structure publique née d’une initiative privée. En effet, en juillet 2012, une coalition multipartite regroupant ONG, syndicats, cabinets de conseils et organisations patronales, demande au Premier ministre la création, auprès de lui, d’une « Plateforme nationale de dialogue et de concertation [qui] associerait les différents acteurs de la société française ayant un intérêt pour la RSE […] et les représentants des pouvoirs publics […] »[57]. Il faut rappeler que le contexte européen et international pousse à une telle initiative. En effet, dans sa troisième communication sur la RSE du 25 octobre 2011, « la Commission invite les États membres à établir ou à mettre à jour pour le milieu de 2012, avec le concours des entreprises et autres parties prenantes, leurs plans ou leurs listes nationales d’actions prioritaires visant à promouvoir la RSE dans le contexte de la mise en œuvre de la stratégie Europe 2020, en y faisant référence aux principes et lignes directrices internationalement reconnus en matière de RSE et en tenant compte des questions soulevées dans la présente communication. Elle souhaite en outre, distinctement, l’élaboration d’un plan national de mise en œuvre des Principes directeurs des Nations Unies pour les entreprises et les droits de l’Homme »[58]. En septembre 2012, le Premier ministre accède à la demande lors de la Conférence environnementale[59]et inscrit la création de la plateforme dans la Feuille de route pour la transition écologique[60], mais sans en faire un point central[61]. « Et puis… plus rien ou presque, malgré les courriers de relance des signataires de la proposition s’inquiétant du retard pris pour sa mise en place. Lors du Congrès de France Nature Environnement, le vendredi 5 avril 2013, à Clermont-Ferrand, la ministre de l’Écologie, Delphine Batho, tient à rassurer les partisans de cette plateforme en annonçant sa mise en place pour mai »[62]. Il faut dire que peu de temps auparavant a eu lieu la tragédie du Rana Plaza, laquelle ne serait peut-être pas survenue si les donneurs d’ordre occidentaux de ce sous-traitant bangladais avaient été vigilants quant aux conditions de travail des salariés. Le 7 juin 2013, le Premier ministre Ayrault adresse une lettre à Jean Pisani-Ferry, tout récemment nommé à la tête de France Stratégie[63], pour lui faire part de son souhait de voir la future plateforme prendre place au sein du service qu’il dirige. La plateforme est installée dans les locaux de France Stratégie, par le Premier ministre, le 17 juin 2013[64]. La veille, elle a été dotée d’une « structure opérationnelle » en la personne d’un secrétaire permanent[65]. Bénéficiant de l’appui technique de France Stratégie et du Commissariat général au développement durable (CGDD), le secrétaire permanent va impulser le démarrage de la plateforme[66]. En quelques années, elle va devenir, conformément au souhait du Premier ministre[67], l’un des organes permanents de France Stratégie[68]. Un décret du 24 mars 2017 lui reconnaît pour mission d’émettre « des avis sur les questions qui lui sont soumises et [formuler] des recommandations sur les questions sociales, environnementales et de gouvernance soulevées par la responsabilité sociétale des entreprises »[69].

Pour bien comprendre le rôle politique de la Plateforme[70], il convient de préciser que ses cinquante et un[71]membres sont des organisations qui ont fait acte de candidature auprès de France Stratégie. Ces organisations sont réparties en cinq pôles : entreprises et monde économique, organisations syndicales de salariés, société civile, chercheurs et développeurs de la RSE et, enfin, institutions publiques.

Depuis 2013, la Plateforme a produit plus d’une quinzaine de recommandations, avis et rapports[72], contribuant ainsi à ce que son premier secrétaire général a appelé la doctrine française de la RSE[73]. On peut relever :

les recommandations de la Plateforme RSE au terme de sa première année de travail au sein de France Stratégie, en date du 14 octobre 2013 ;
des consultations sur le reporting extra financier[74];
un rapport (d’étape) sur les implications de la responsabilité des entreprises sur leur chaîne de valeur, du10 novembre 2014 ;
un rapport sur l’implication des salariés dans les démarches RSE dans les TPE-PME-ETI de mars 2016 ;
un rapport sur la RSE, levier de compétitivité et de mise en œuvre du développement durable, en particulier pour les TPE-PME, de mars 2016 ;
une contribution pour le Plan national d’actions prioritaires pour le développement de la RSE de septembre 2016[75];
un avis sur le Plan d’action d’application des Principes Directeurs des Nations Unies pour les droits de l’homme et les entreprises de septembre 2016 ;
un avis sur le projet de lignes directrices de l’OCDE sur la conduite responsable et la diligence raisonnable des entreprises de février 2017 ;
un avis sur le projet de transposition de la directive 2014/95/UE relative à la publication d’informations extra-financières par les entreprises, de février 2017 ;
une contribution à la revue par les pairs du PCN français d’avril 2017[76];
un avis sur la révision de la norme ISO 26000 d’avril 2017 ;
un avis sur les relations responsables entre donneurs d’ordre et fournisseurs. Recommandations pour la mise en œuvre de la diligence raisonnable de juillet 2017 ;
un avis intitulé « Contribution au plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises », de février 2018 ;
un avis sur l’engagement des entreprises pour l’emploi des travailleurs handicapés, d’avril 2018 ;
un avis sur la responsabilité territoriale des entreprises de juillet 2018 ;
un avis sur RSE et environnement – Économie circulaire, gouvernance et responsabilité environnementale du 14 septembre 2018 ;
un avis dont le titre est « La RSE, démarche de dialogue et levier de transformation » de mars 2019.

Quant aux travaux actuels de la Plateforme, ils portent sur :

la contribution de la RSE à l’atteinte des Objectifs de développement durable (ODD) et la manière d’identifier les enjeux clés de la mobilisation des entreprises vis-à-vis des ODD ;
les mesures susceptibles d’encourager les entreprises à s’engager dans des démarches volontaires visant à réduire les consommations à risque d’alcool, de tabac et de stupéfiants ;
le rôle du droit dans la protection de l’environnement.

Les travaux de la plateforme présentent-ils une utilité pratique ? sont-ils pris en compte par leurs destinataires ? Répondre à cette interrogation c’est comme répondre à la question « Les Grecs ont-ils cru en leurs mythes[77] ! Donc on va dire à la fois oui[78]et non[79] !

D’un point de vue académique, ces travaux ont-ils quelque chose à nous apprendre en matière d’interstices transnationaux et, plus particulièrement, lorsqu’il s’agit de droits humains des travailleurs ? C’est ce que nous allons voir maintenant.

B) Les apports de la plateforme RSE à la lutte contre les interstices transnationaux sociaux

Disons-le d’emblée: les travaux de la plateforme sont loin, très loin des attentes de juristes pour lesquels la seule réponse à l’injustice est le triptyque : gendarme, juge, prison. Ce déroulé, qui hante les amphithéâtres de droit, est inconnu de la plateforme et il le sera probablement toujours. Plus encore, le simple rappel, dans un avis, du droit existant peut être une source de dissensus parmi ses membres. Il est inimaginable que la plateforme trouve un consensus pour proposer des stratégies judiciaires afin de punir les ST en quête d’accroissement de profits sur le dos de pauvres gens, fussent-ils des enfants[80]. On ne le rappellera jamais assez : la plateforme élabore des propositions qui sont des compromis, des solutions acceptables à peu près par toutes ses parties prenantes ; ce sont donc le plus souvent des solutions a minima. Elles s’énoncent sous forme de conseils, d’énoncés de bonnes pratiques, d’encouragements pour les entreprises à poursuivre des actions dans un sens considéré comme bon… Lorsque les normes apparaissent, elles se situent presque toujours au bas de ce que le Conseil d’État appelle l’« échelle de normativité graduée entre le droit souple et le droit dur »[81].

Parmi tous les travaux de la plateforme, un choix est à faire. Nous utiliserons trois filtres pour sélectionner ceux qui sont les plus pertinents :

le document doit se rapporter aux relations de travail ;
il doit concerner un interstice transnational[82];
le document doit se rapporter à un interstice particulièrement intéressant pour notre sujet.

En voici des illustrations à travers les travaux publiés par la plateforme, travaux qui par leur objet peuvent intéresser notre sujet[83]. Nous allons les présenter dans un ordre thématique choisi et donc sans prétendre à l’exhaustivité. Trios aspects nous semblent prédominants : la transparence, la vigilance et la gouvernance RSE.

1) La transparence

La transparence est au cœur du développement durable pour un État[84]et de la RSE pour une entreprise[85]. Voulant soutenir et encadrer une pratique RSE des ST[86], le législateur français a introduit dans notre droit, en 2001[87], l’obligation, pour les organes dirigeants de l’entreprise, de produire dans le rapport annuel de gestion[88]« des informations […], sur la manière dont la société prend en compte les conséquences sociales et environnementales de son activité »[89]. Depuis 2017, l’article L. 225-102-5 du code de commerce appelle ces informations la « déclaration de performance extra financière »[90]. En bon élève du poète qui disait « Vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage ! »[91], le législateur français n’a de cesse de réviser ce texte presque chaque année, voire parfois à deux reprises la même année ! Il est vrai que l’une des révisions récentes lui a été imposée par le droit de l’Union européenne avec la directive Barnier[92].

Quels sont les apports de la plateforme en ce domaine ?

Dès 2014, la plateforme recommande au gouvernement d’inviter les ST « à indiquer volontairement et publiquement leur adhésion, notamment aux Principes directeurs de l’ONU et de l’OCDE et à dire de quelle façon elles se proposent, à travers leur organisation propre, de les appliquer, comment elles les intègrent dans leurs processus de décision, et en particulier les mesures de diligence raisonnable contenues dans ces principes. Cette publication pourrait être faite dans les rapports extra financiers des entreprises et accessible sur les sites Internet des entreprises et sur un site Internet dédié »[93].

Novatrice en matière de transparence RSE, la France l’est également en matière de vigilance RSE.

2) La vigilance

Comme en matière de transparence, la vigilance est au cœur de la RSE. Elle est apparue il y a plusieurs dizaines d’années à travers des pratiques d’audits social[94]et environnemental[95]. On la trouve exprimée dans des textes RSE de soft law sous les termes de « devoir de vigilance »[96]ou de « diligence raisonnable »[97].

L’insuffisance des audits sociaux a été maintes fois dénoncée. La tragédie du Rana Plazza n’a fait que confirmer ce constat et, surtout, a provoqué une telle indignation dans notre pays et ailleurs[98]que des parlementaires français ont déposé une proposition de loi en 2015[99]. Pendant près de deux ans, les débats ont été âpres au sein du Parlement français et il s’en est fallu de peu que la proposition connaisse un enterrement. Avec la loi de 2017 sur le devoir de vigilance[100], la France peut à nouveau s’enorgueillir d’être une pionnière en matière de RSE.

La plateforme RSE a-t-elle contribué à cette évolution ? Surtout, ses travaux permettent-ils d’aller plus loin ?

Dès sa première année d’existence, la plateforme décide de constituer un groupe de travail sur « les implications de la responsabilité des entreprises sur leur chaîne de valeur (filiales et fournisseurs) telles que recommandées par les normes internationales »[101]. Sa feuille de route consiste à faire des recommandations en vue :

d’« inciter les entreprises multinationales à indiquer volontairement et publiquement leur adhésion aux Principes Directeurs de l’ONU et de l’OCDE, et leur demander de dire de quelle façon elles se proposent de les appliquer en leur sein » ;
d’« inciter à généraliser et à renforcer le dispositif des Accords-Cadres Internationaux incluant un certain nombre de critères en matière de respect des droits humains, des mesures garantissant un suivi régulier de leur mise en œuvre effective et un mécanisme d’évaluation ex-post (sic) ».
de promouvoir la RSE et les droits humains dans les accords internationaux en la matière de commerce, de financement et d’investissement, en associant mieux les parties prenantes aux études d’impact préalables aux négociations commerciales au regard de la RSE, en veillant à ce que les clauses sociales et environnementales soient intégrées et respectées dans le cadre des accords et en renforçant le suivi et l’évaluation de ces accords.

Un an plus tard, dans un rapport sur les implications de la responsabilité des entreprises sur leur chaîne de valeur, la plateforme affirme que l’État n’a pas mené d’actions d’information significatives sur les principaux textes internationaux servant de cadre à la RSE. Aussi, elle recommande qu’il « s’assure que les entreprises connaissent et respectent les textes internationaux relatifs à la RSE sur lesquels il est engagé : principes de l’OCDE et principes directeurs des Nations Unies ». Surtout, elle recommande à l’État qu’il « renforce les moyens pour la bonne application de ces principes, en particulier à travers le Point de contact national de l’OCDE (PCN), l’Agence française de développement (l’AFD), la Compagnie française d’assurance pour le commerce extérieur (COFACE), la Banque publique d’investissement (BPI), ou en tant qu’actionnaire »[102]. Puis le rapport fait état d’un dialogue avec l’AFD et la COFACE afin que soient rendus publics leurs critères de sélections, en particulier les exigences en matière d’études d’impact, les référentiels internationaux sur lesquels ils sont basés, et enfin qu’elles indiquent les procédures de suivi qu’elles mettent en place. Le rapport mentionne également que « AFD et COFACE ont indiqué qu’elles réfléchissaient à l’élaboration de mécanismes de traitement des plaintes (dites controverses), en cas de non-respect ou mauvaise application de leurs propres normes ou des normes qu’elles se sont engagées à respecter, ce que la Plateforme soutient. La Plateforme se propose de poursuivre son étude de la mise en place de procédures de vigilance raisonnable et traitement des plaintes par les deux institutions »[103]. De fait, il ne semble pas que ce dialogue ait eu une suite… Et l’on doit regretter que la violation des droits humains soit absente du guide 2018 dans lequel la COFACE expose l’analyse des risques et prévisions sur 160 pays et 13 secteurs[104].

Concernant les « accords-cadres internationaux (ACI) et accords mondiaux (ACM) », la plateforme recommande au gouvernement de faire en sorte « que ces accords respectent un certain nombre de principes dont des critères en matière de respect des droits humains, des mesures garantissant un suivi régulier de leur mise en œuvre effective et un mécanisme d’évaluation ex post »[105].

Concernant les accords internationaux en matière de commerce, de financement et d’investissement, la plateforme, sans que cela puisse être interprété comme un encouragement au développement des accords de ce type, recommande au gouvernement de se prononcer pour la promotion de clauses RSE et relatives aux droits humains dans de tels accords lorsqu’ils sont négociés[106].

La plateforme rappelle la Commission européenne a établi en 2011 un plan d’action pour prendre « introduire systématiquement des éléments relatifs à la responsabilité sociale des entreprises dans les accords commerciaux européens, en s’appuyant sur les principaux référentiels internationaux. Les premiers accords commerciaux contenant des dispositions relatives à la RSE ont été signés avec la Corée du Sud, l’Amérique centrale, la Colombie, le Pérou et Singapour [[107]]. Ces accords prévoient notamment une étroite coopération entre les parties dans les domaines de la RSE, avec notamment la mise en place de comités de suivi de ces clauses, impliquant des représentants de la société civile. La Plateforme recommande une évaluation et un suivi de ces comités. »[108]

La Plateforme encourage le Ministère des Affaires étrangères « à soutenir et promouvoir les études d’impact préalables aux négociations commerciales en prenant en compte l’ensemble des champs de la RSE dans les critères d’évaluation ainsi qu’une plus grande association des partenaires sociaux, de la société civile et des acteurs locaux dans ces études. Le respect des droits des générations futures implique d’intégrer en particulier les questions environnementales, notamment le climat et la biodiversité, dans ces accords »[109].

Relevant que le gouvernement publie déjà des « conseils aux voyageurs », la plateforme lui suggère de « lancer l’équivalent pour les entreprises en constituant une base de données couplant l’information fournie par ses ambassades avec celles issues d’autres sources, les associant à son élaboration : milieux d’affaires, organisations internationales, syndicats, ONG, etc. Toutes les informations ne devraient pas nécessairement être rendues publiques. L’élaboration de cette base de données devrait être progressive, commençant par les pays où les risques de violation des droits fondamentaux sont les plus flagrants »[110].

Avec bien des travaux académiques, la plateforme constate la difficulté d’accès à des instances susceptibles de traiter de façon indépendante et impartiale des actions en justice pour non-respect de droits fondamentaux par une entreprise ; elle souligne que c’est malheureusement chose commune à de nombreux pays. Elle rappelle que « pour y remédier, la France avait préconisé, lors de la négociation sur l’actualisation du règlement Bruxelles I, que des dispositions soient prises, inspirées du principe de forum necessitatis(for nécessaire). Cette règle permet de reconnaître la compétence d’une juridiction d’un État-membre (sic) pour un litige ayant eu lieu dans un État-tiers (sic), si la procédure ne peut raisonnablement être introduite dans ce dernier et pour autant que le litige ait un lien suffisant avec ledit État-membre (sic) »[111]. La plateforme suggère au gouvernement de créer une dynamique en ce sens au niveau européen ou au niveau de l’OCDE afin d’éviter que les entreprises françaises se trouvent dans une situation inégale avec leurs concurrentes étrangères[112].

S’appuyant sur les PDNU, selon lesquels « même lorsque les systèmes judiciaires sont efficaces et bien dotés en ressources, ils ne peuvent pas prendre en charge toutes les atteintes présumées »[113], la plateforme invite le gouvernement à encourager le recours aux mécanismes de remédiation et, tout particulièrement, de renforcer l’autonomie et les moyens d’investigation du Point de contact national (PCN)[114]. Certains membres de la plateforme expriment même le souhait que le PCN devienne une autorité administrative indépendante et puisse saisir la justice[115].

Quelques années plus tard, dans sa contribution à la 105^esession de la Conférence internationale du travail (CIT), la plateforme reprend un certain nombre des recommandations susmentionnées[116]. Elle rappelle aussi que « la question de la mise en cause de la responsabilité civile de la société mère ou donneuse d’ordre fait débat au sein de la Plateforme RSE. Certains membres estiment qu’il n’y a pas lieu de prévoir de texte spécifique quant à la responsabilité civile de la société mère, les principes de responsabilité de droit commun s’appliquant. D’autres membres pensent que pour assurer un réel accès des victimes à la justice, un régime de présomption de responsabilité devrait s’appliquer et qu’il reviendrait à la société-mère (sic) ou au donneur d’ordre de démontrer qu’il a bien mis en œuvre le plan de vigilance »[117].

Le 26 décembre 2016, la plateforme a rendu deux avis.

L’un est l’« Avis sur le Plan d’action d’application des Principes directeurs des Nations unies pour les droits de l’homme et les entreprises ». La plateforme formule un ensemble de recommandations sur « la responsabilité incombant aux entreprises de respecter les droits de l’homme »[118]. Après avoir rappelé ses préconisations antérieures, la plateforme énonce une série d’actions comme :

« promouvoir le dialogue social et l’expression des salariés dans toute la chaîne de valeur comme outils de renforcement des droits de l’homme »,
« encourager les initiatives sectorielles visant une harmonisation des grilles et des méthodes dans l’audit social/droits de l’homme » et responsabiliser « ces sociétés d’audit »[119],
« Promouvoir la réalisation et la publication d’études d’impacts volontaires, en veillant à l’intégration des parties prenantes concernées (le cas échéant par une consultation préalable, libre et informée des populations) et en particulier les titulaires de droits, pour les entreprises qui ne sont pas de fait soumises à l’obligation d’étude d’impact associée à un projet, et assurer le suivi de ces études »[120].

L’avis fait également état de différentes « propositions non consensuelles d’actions » provenant notamment du pôle société civile et du pôle syndical. Ces deux pôles suggèrent :

de « permettre aux représentants du personnel de faire apparaître leurs commentaires dans le rapport de gestion »[121];
que « chaque entreprise communique sur l’existence d’une représentation syndicale ou salariale dans ses entités et filiales »[122];
que soient adoptées « les réformes législatives nécessaires afin que les victimes de violations des droits de l’homme commises par ou à travers des entreprises françaises puissent obtenir sans entrave l’ouverture de procédures judiciaires, y compris pénales »[123].

De son côté, le pôle syndical propose « qu’en cas de violation des droits de l’homme, étant donné la difficulté et parfois l’impossibilité des victimes (notamment en cas de décès) à faire valoir leurs droits et à faire condamner une entreprise, une indemnisation puisse être versée immédiatement aux victimes, notamment pour payer leurs soins et garantir un niveau de vie malgré d’éventuels arrêts de travail. Cette indemnisation suppose la création d’un fonds d’indemnisation global ou par branches auquel les entreprises devraient contribuer comme mesure basique de diligence raisonnable. À charge ensuite pour le fonds de se retourner contre les responsables (donneur d’ordre, sous-traitant, société d’audit, collectivité locale…) pour se faire rembourser. Ce système permettrait aux indemnisations d’arriver au bon moment et que les jugements souvent longs puissent établir ensuite les responsabilités sans que ce temps soit préjudiciable aux victimes »[124].

Concernant les mécanismes extrajudiciaires, la plateforme recommande au gouvernement de « veiller à l’application des normes fondamentales du travail en France et soutienne leur application universelle en incitant à la mise en place, au sein de l’OIT, de mécanismes plus contraignants pour les États »,
d’« appuyer en particulier les réflexions engagées autour de la cohérence sociale des politiques économiques, financières et commerciales qui devraient conduire à renforcer le poids et l’autorité de l’OIT dans le concert des institutions du système multilatéral ainsi qu’à instaurer des formes de conditionnalité sociale »,
d’« encourager la faculté d’auto-saisine (sic) du PCN – sur décision unanime de ses membres – afin de faire respecter les droits de l’homme et pour la mise en œuvre des Principes directeurs de l’OCDE »[125].

Parmi les propositions non consensuelles d’action, on peut relever que :

le pôle société civile, le pôle des chercheurs et développeurs et le pôle syndical :
- « recommandent d’allouer des moyens supplémentaires au PCN, notamment pour permettre aux membres d’y participer pleinement, pour élargir l’audience de ses décisions auprès du public ou encore pour avoir les moyens d’investigation nécessaires pour l’exercice de ses missions ;
- jugent, concernant la cohérence sociale des politiques économiques, qu’un mécanisme de type « question préjudicielle » adressée à l’OIT lors de la prise de décisions relevant d’autres enceintes et pouvant avoir un impact sur les conditions sociales serait nécessaire »[126];
le pôle société civile et le pôle syndical « sont en faveur d’examiner la création d’une cour ou un tribunal international du travail, voire un mécanisme apparenté, afin que l’OIT puisse traiter de questions préjudicielles1 lors de la prise de décisions relevant d’autres enceintes sur les conditions de travail »[127].
Le pôle société civile propose :
- « Afin de renforcer la légitimité et l’autorité du PCN, [d’] inscrire son existence et ses principes de fonctionnement dans un cadre législatif’ »[128];
- d’« accroître l’indépendance du PCN, notamment par rapport à son ministère de tutelle, et proposer une structure de gouvernance/monitoring qui inclurait les ONG et permettrait de veiller à ce que les principes de prévisibilité, d’impartialité, d’accessibilité et de transparence soient respectés sans l’utilisation de la confidentialité pour instrumentaliser la procédure »[129].

L’autre avis du 26 décembre 2016 est intitulé « Contribution pour le Plan national d’actions prioritaires pour le développement de la RSE ». Cette contribution a pour objet de « permettre au Gouvernement de mettre à jour la stratégie nationale pour la RSE, conformément à la demande de la communication de la Commission européenne du 25 octobre 2011, invitant les États membres ‘à établir ou mettre à jour, avec le concours des entreprises et autres parties prenantes, leurs plans ou leurs listes nationales d’actions prioritaires visant à promouvoir la RSE dans le contexte de la mise en œuvre de la stratégie Europe 2020’ »[130]. Un chapitre est intitulé « La RSE à l’international : promouvoir des règles du jeu équitables »[131]. On y retrouve les propositions figurant dans l’autre avis du 26 décembre 2016, notamment concernant la montée en puissance du PCN[132].

Le 10 juillet 2017, suite à une lettre de mission du Premier ministre, la plateforme a publié un document intitulé « Avis sur les Relations responsables entre donneurs d’ordre et fournisseurs. Recommandations pour la mise en œuvre de la diligence raisonnable ». Voici la raison de son travail : « Concernant les entreprises visées, la Plateforme RSE postule que, indépendamment des dispositions législatives introduites par la loi n° 2017-399 du 27 mars 2017 relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre, tout acteur économique a un devoir de mettre en œuvre des procédures de diligence raisonnable afin d’éviter la survenance d’incidences négatives sur l’ensemble de sa sphère d’influence »[133]. À titre pédagogique, la plateforme rappelle[134]les différents textes internationaux, européens et nationaux qui préconisent ou imposent un dispositif appelé « devoir de vigilance »[135], « diligence raisonnable » (due diligence)[136]ou « contrôle de conformité »[137]. Elle reconnaît aussi que le niveau de détail requis par le débiteur de la diligence raisonnable peut différer en fonction de la taille de l’entreprise. « La Plateforme RSE recommande donc d’appliquer les mesures de diligence raisonnable selon le principe de proportionnalité »[138].

En avril 2018, la plateforme a rendu un avis intitulé « Engagement des entreprises pour l’emploi des travailleurs handicapés ». On y trouve la recommandation suivante : « La Plateforme RSE recommande que les entreprises promeuvent leurs pratiques responsables à l’égard des travailleurs handicapés en leur sein, y compris dans leurs implantations et filiales à l’étranger, et qu’elles communiquent sur les mesures prises à cet effet et sur leurs résultats. Plusieurs pôles de la Plateforme RSE [[139]] recommandent que ces démarches portent également sur les mesures prises sur les chaînes de valeur des entreprises. La Plateforme RSE recommande de faire la promotion de la charte du réseau international Entreprises et Handicap de l’OIT »[140].

Voyons maintenant les propositions de la plateforme en matière de gouvernance RSE.

3) La gouvernance

On sait que l’un des grands projets du quinquennat du président Macron est de transformer les structures de l’entreprise[141]. À cet effet, un rapport a été commandé au chef d’une des plus grandes ST françaises et à une ancienne syndicaliste dirigeant actuellement la principale agence de notation extra financière européenne[142]. La plateforme RSE a aussi été chargée de donner ses préconisations. Elle l’a fait dans un avis du 5 avril 2018, intitulé « Contribution au plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises ». De cet avis, on peut relever les recommandations suivantes tout en précisant que certaines ont fait l’objet d’âpres débats et n’ont été retenues que par une partie des membres de la plateforme.

Article 1832 du Code civil[143]

Proposition du pôle des organisations de la société civile[144]

La société est instituée par deux ou plusieurs personnes qui conviennent par un contrat d’affecter à une entreprise commune des biens ou leur industrie en vue de partager le bénéfice ou de profiter de l’économie qui pourra en résulter.

Elle peut être instituée, dans les cas prévus par la loi, par l’acte de volonté d’une seule personne.

La société est instituée par une ou plusieurs personnes qui conviennent d’affecter par un contrat des actifs sous forme d’apports en numéraire, en nature ou en biens immatériels en vue d’un projet d’entreprise commune à travers la poursuite d’une activité soutenable et responsable.

Article 1833 du Code civil[145]

Proposition du pôle des organisations de la société civile

Projet de loi PACTE

(art. 61)[146]

Toute société doit avoir un objet licite et être constituée dans l’intérêt commun des associés.

Toute société doit avoir un objet licite et être gérée dans l’intérêt de ses associés, des parties prenantes qui participent à sa vie économique et des acteurs de la société civile influencés, directement ou indirectement, par ses activités, dans le respect de l’intérêt général et de la préservation des biens communs, en tenant compte des conséquences économiques, sociales et environnementales de ses activités.

Toute société doit avoir un objet licite et être constituée dans l’intérêt commun des associés.

La société est gérée dans son intérêt social et en prenant en considération les enjeux sociaux et environnementaux de son activité

Les propositions sur la participation des salariés à la gouvernance de l’entreprise n’ont pas fait l’objet d’un consensus parmi les pôles de la Plateforme RSE[147].

« Le pôle des entreprises et du monde économique a fait le choix de ne pas se prononcer sur le sujet dans le cadre de l’élaboration du présent avis, et préfère se référer aux travaux d’autres instances qui suivent habituellement ces sujets, dont le conseil d’orientation de la participation, de l’intéressement, de l’épargne salariale et de l’actionnariat salarié.
Le pôle des organisations syndicales de salariés16 et le pôle des chercheurs et développeurs de la RSE soulignent que l’ambition affichée dans le rapport Gallois [[148]], de porter à 30 % la part des administrateurs salariés, n’a pas été atteinte, et recommandent de prendre les mesures législatives nécessaires à l’augmentation de la participation des salariés dans les conseils d’administration et de surveillance ».

À propos du dialogue avec les parties prenantes, la plateforme « réitère l’importance qu’elle attache aux dialogues participatifs au sein de l’entreprise entre les parties constituantes, associés et salariés. Les dialogues participatifs sont à encourager aux différents niveaux d’actifs de l’entreprise (projets, sites…) avec les parties prenantes pertinentes, en tenant compte de la taille de l’entreprise, de ses particularités et des réglementations locales le cas échéant. La Plateforme RSE recommande que la constitution de ces dialogues soit transparente, s’inscrive dans la durée et que les suites qui leur sont données soient communiquées aux parties prenantes participantes. – Plusieurs membres du pôle des entreprises et du monde économique, le pôle des organisations syndicales de salariés17, le pôle des organisations de la société civile, le pôle des chercheurs et développeurs de la RSE et le pôle des institutions publiques soulignent aussi la légitimité d’une réflexion sur la montée en puissance de la participation à la gouvernance des parties prenantes (fournisseurs, clients, collectivités locales, acteurs de l’environnement de l’entreprise) ».

À propos de l’intéressement et de la participation[149], la plateforme « recommande d’associer plus fortement les salariés à la réussite des démarches RSE et à la performance globale de l’entreprise, notamment à travers les mécanismes d’intéressement et/ou en intégrant les objectifs collectifs dans le pilotage des équipes. Pour les entreprises les plus avancées dans la compréhension et la mise en œuvre de la RSE, elle recommande d’intégrer des critères RSE (de performance sociale et environnementale en complément de la performance économique) dans les accords d’intéressement »[150].

En conclusion, on peut dire que la plateforme remplit sans doute la mission pour laquelle elle a été créée. Certes, on pourrait s’attendre à des recommandations plus « offensives » sur certains sujets, mais il ne faut pas oublier qu’elle fonctionne selon la règle du consensus et est composée d’institutions représentant des intérêts souvent très divergents.

[1]On distingue parfois les libertés publiques–qui constituent le régime juridique des libertés en droit interne, des droits de l’homme – qui désignent le statut international des libertés- et des droits fondamentaux, lesquels désignent les deux précédents en mettant l’accent sur leurs éléments supra-législatifs. V. P. Wachsmann, Les droits de l’homme, Dalloz, coll. Connaissance du droit, 5^eéd. 2008, p. 2.

[2]V. France culture, Existe-t-il des valeurs universelles, 24 juillet 2015.- France culture, Les droits de l’homme en question, 14 avril 2018.- Pierre Manent, La Loi naturelle et les droits de l’homme, PUF, 2018.

[3]V. Zeid Ra’ad Al-Hussein, haut-commissaire aux droits de l’homme de l’ONU, propos recueillis par Rémy Ourdan : Le Mondedu 1^eraoût 2018, déclarant : « Si vous acceptez l’idée qu’il existe suffisamment de points communs entre êtres humains qui nous identifient comme étant une espèce, alors l’idée que nous naissons libres, que nous naissons avec le même droit d’accès aux droits humains, est une évidence […]. J’ai entendu les témoignages de victimes de beaucoup de pays, sur tous les continents, et ça ne varie pas : si vous avez souffert une perte, si un membre de votre famille a été détenu arbitrairement, s’il a disparu, s’il a été torturé, si quelqu’un a été privé de sa vie ou de sa liberté, la souffrance est identique ».- Marie Bourreau, Les droits de l’homme à l’épreuve des « hommes forts » : Le Monde du 1^eraoût 2018 : « L’universalité de ces droits est aujourd’hui menacée par des dirigeants qui assument et revendiquent ouvertement leur dédain ».- Harold Thibault , Brice Pedroletti et Marie Bourreau, La Chine à l’assaut des Nations unies : Le Mondedu 31 mai 2019 : « Trente ans après la répression des manifestations de la place Tiananmen, Pékin n’entend pas seulement étouffer à l’ONU les critiques le visant sur les droits de l’homme, mais veut imposer ses propres valeurs. Et il y parvient, avec un certain succès ».

[4]Rappr. le mot « catholique » qui vient du grec « kath’holou », lequel signifie « universel » (en latin, « universalibus »). Sur ce point, v. François Jullien, Il n’y a pas d’identité culturelle, L’Herne, 2016, p. 17-19.

[5]Évidemment, il s’agit là des droits de l’homme tels qu’ils sont énoncés en Occident. Mais ce même Occident a-t-il été le premier à en énoncer ? La question fait débat, notamment à propos La Charte du Mandén, proclamée à Kouroukan Fouga (Mali) et inscrite en 2009, par l’UNESCO, sur la Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité.

[6]Bruno Latour fait bien ressortir ce sentiment de supériorité de l’Occident moderne (Nous n’avons jamais été modernes. Essai d’anthropologie symétrique, La découverte/Poche, 2013, p. 92 s.) en écrivant : « […] ‘Nous, les Occidentaux, sommes absolument différents des autres’, tel est le cri de victoire ou telle est la longue plainte des modernes […]. Ce fardeau de l’homme blanc, [les Occidentaux] le portent tantôt comme une tragédie, mais toujours comme un destin. Ils ne prétendent pas seulement qu’ils diffèrent des autres comme les Sioux des Algonquins, ou les Baoulés des Lapons, mais qu’ils diffèrent radicalement, absolument, au point que l’on peut mettre de côté l’Occidental et, de l’autre, toutes les cultures puisqu’elles ont toutes en commun d’être justement des cultures parmi d’autres. L’Occident, et lui seul, ne serait pas une culture, pas seulement une culture. Pourquoi l’Occident se pense-t-il ainsi ? Pourquoi lui et lui seul ne serait-il pas seulement une culture ? Pour comprendre la profondeur de ce Grand Partage entre Eux et Nous, il faut revenir à cet autre Grand Partage entre les humains et les non-humains […]. Nous les Occidentaux ne pouvons être une culture parmi d’autres, puisque nous mobilisons aussi la nature. Non pas, comme le font les autres sociétés, une image ou une représentation symbolique de la nature, mais la nature telle qu’elle est, ou du moins telle que les sciences la connaissent […] ». AddeM. Atlan et R.-Pol Droit, op. cit, spéc. p. 12 et 31.

[7]V. B. Latour, op. cit. :« les modernes ont la particularité de comprendre le temps qui passe comme s’il abolissait réellement le passé derrière lui. Ils se prennent tous pour Attila derrière qui l’herbe ne repoussait plus. Ils ne se sentent pas éloignés du Moyen Age par un certain nombre de siècles, mais séparés de lui par des révolutions coperniciennes, des coupures épistémologiques, des ruptures épistémiques qui sont tellement radicales que plus rien ne survit en eux de ce passé – que plus rien ne doit survivre en eux de ce passé […]. Puisque tout ce se passe est éliminé à jamais, les modernes ont en effet le sentiment d’une flèche irréversible du temps, d’une capitalisation, d’un progrès ».- R. de Quenaudon, Progrès et droit, Mélanges en l’honneur de Dominique Schmidt, Joly, 2005, p. 188 s.

[8]V. François Jullien, op. cit., p. 15 s., 24

[9]V. P. Sagadou, L’Eglise catholique et les Droits de l’Homme : quel rapport ?: https://croire.la-croix.com/Definitions/Lexique/Eglise/Droits-de-l-homme-et-Eglise: « L’essor du courant des droits de l’homme, à partir de la fin du XVIII° siècle et pendant près de deux siècles, s’est fait sans l’Église catholique. La raison est claire : les responsables de l’Église de l’époque avaient la conviction qu’accorder à l’homme ses droits, signifiait retirer à Dieu ses droits. L’Église était toujours pour les droits de Dieu contre les prétentions de l’homme. Devant Dieu, l’homme n’a que des devoirs ».- Décret « Lamentabili sane Exitu », promulgué le 3 juillet 1907 par le pape Pie X, qui condamne les erreurs du modernisme, défini comme collecteur de toutes les hérésies.- Lettre encyclique « Pascendi dominici gregis », du 8 sept. 1907, du même pontife, sur les erreurs du modernisme.

[10]V. Un entretien avec M. Mohamed Arkoun : Le Mondedu 15 mars 1989 : « vous ne pouvez pas demander à toutes les cultures de suivre la trajectoire tracée depuis deux siècles par la France et l’Europe! S’en tenir à ce discours, ce serait exiger des autres cultures qu’elles s’enferment dans le seul modèle occidental de développement historique, de réalisation intellectuelle et artistique. Ce serait répéter le discours colonial, qui légitimait la domination sur les autres peuples et cultures par l’exportation de la civilisation élaborée en Europe […]. La perception des droits de l’homme dans une pensée occidentale réduite au seul rationalisme positiviste et historiciste renforce le malentendu avec l’islam, qui a pensé ces droits de l’homme dans le cadre plus large des droits de Dieu, c’est-à-dire dans cet espace ouvert à l’Absolu de Dieu ».- Comp. Wassyla Tamzali : « L’homme arabe est un homme humilié » : Le Mondedu 3 juillet 2018.

[11]V. Karl Marx, La question juive, 1843 : http://www.uqac.uquebec.ca/zone30/Classiques_des_sciences_sociales/index.html, p. 23 s. : les droits de l’homme « ne sont rien d’autre que les droits du membre de la société bourgeoise, c’est-à-dire de l’homme égoïste, de l’homme séparé de l’homme et de la communauté ». Pour la critique de Marx, v. P. Wachsmann, op. cit., pp. 41-46.

[12]Op. cit., p. 48.

[13]En ce sens, P. Wachsmann, op. cit., p. 44, ainsi que p. 45 à propos du souci des États occidentaux à propager les droits de l’homme, et p. 49 où l’auteur rappelle, en citant Paul Ricœur, qu’il ne faut « pas prendre pour des universaux des prétentions à l’universel ».- Mais que faut-il entendre par adhésion à partir du moment où l’on admet des « systèmes régionaux de droits de l’homme » ? V. CEDH : « Les systèmes régionaux des droits de l’Homme renforcent la protection et l’exercice des droits de l’Homme en prenant en compte des considérations régionales, telles que des coutumes, des valeurs, une culture et des pratiques régionales partagées » : http://www.right-to-education.org/fr/page/les-m-canismes-r-gionaux-en-mati-re-de-droits-de-lhomme.

[14]Tel est la pensée de Souleyman Bachir Diagne, exprimée dans le cadre des Bibliothèques idéales de Strasbourg le 15 septembre 2018. V. J.-L. Amselle et S. Bachir Diagne, En quête d’Afrique(s), Albin Michel, 2018.

[15]TLF, V°travailleur

[16]Ibid.

[17]V., par exemple, l’Ordonnance royale ou Édit royal de mars 1685 touchant la police des îles de l’Amérique française, encore appelée « Code noir », bien que concernant également les juifs (art. 1).- Danièle Lochak, Le droit des Juifsen France depuis la Révolution, Dalloz, 2009.

[18]Rappr. C. Lefort, Essai sur le politique, Seuil, 1986, p. 43.- D. Loschak, « Le droit, discours de pouvoir », dans: Itinéraires. Études en l’honneur de Léo Hamon, Economica, 1982, pp. 429-444.

[19]V. R. de Quenaudon, La « doctrine progressiste » : une lecture du droit du travail en crise ? : Recueil Dalloz, 2005, p. 1736 s.

[20]V. F. Collin, R. Dhoquois, P.-H. Goutierre, A. Jeammaud, G. Lyon-Caen et A. Roudil, Le droit capitaliste du travail, PU Grenoble, coll. « Critique du droit », n° 5, 1980.

[21]V. Traité de Versailles, 1919, partie XIII, Section I : « Attendu que la Société des Nations a pour but d’établir la paix universelle, et qu’une telle paix ne peut être fondée que sur la base de la justice sociale ».- Déclaration de Philadelphie, 1944 : « Convaincue que l’expérience a pleinement démontré le bien-fondé de la déclaration contenue dans la Constitution de l’Organisation internationale du Travail, et d’après laquelle une paix durable ne peut être établie que sur la base de la justice sociale ».- Comp. Entretien avec Xavier Fontanet, PDG d’Essilor et président du comité d’éthique du MEDEF, in J.-P. Betbèze, J. Bichot, X. Fontanet, A. Merlin, D. Plihon, G. Azam, B. Salanié, D. Terré, Le rôle social de l’économiste sous la direction de J.-M. Daniel, Sociétal, n° 50, 4^etrimestre 2005, PUF, p. 75 s., spéc. p. 78 : « On ne se comprend plus, on a détruit le langage, c’est là le vrai problème des Français […]. Amusez-vous à demander ce qu’est la justice sociale, une des expressions les plus utilisées […] Pour quelqu’un comme moi, c’est tout sauf la justice ; en fait, nos hommes politiques utilisent ce mot à tour de bras sans savoir ce qu’il veut dire ; à l’étranger, personne ne comprendra, je puis vous l’assurer. »

[22]Art. 25.1 : « Toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien-être et ceux de sa famille, notamment pour l’alimentation, l’habillement, le logement, les soins médicaux ainsi que pour les services sociaux nécessaires ; elle a droit à la sécurité en cas de chômage, de maladie, d’invalidité, de veuvage, de vieillesse ou dans les autres cas de perte de ses moyens de subsistance par suite de circonstances indépendantes de sa volonté ».

[23]V. préambule du Pacte international pour les droits économiques, sociaux et culturels : « Reconnaissant que, conformément à la Déclaration universelle des droits de l’homme, l’idéal de l’être humain libre, libéré de la crainte et de la misère, ne peut être réalisé que si des conditions permettant à chacun de jouir de ses droits économiques, sociaux et culturels, aussi bien que de ses droits civils et politiques, sont créées. »

[24]V., par exemple, R. de Quenaudon, Répertoire de droit du travail, V° Responsabilité sociale des entreprises, Dalloz 2017, n° 5.

[25]V. Déclaration concernant les buts et objectifs de l’Organisation Internationale du Travail annexée à la « Constitution » de l’OIT de 1919, V : « La Conférence affirme que les principes énoncés dans la présente Déclaration sont pleinement applicables à tous les peuples du monde, et que, si, dans les modalités de leur application, il doit être dûment tenu compte du degré de développement social et économique de chaque peuple, leur application progressive aux peuples qui sont encore dépendants aussi bien qu’à ceux qui ont atteint le stade où ils se gouvernent eux-mêmes, intéresse l’ensemble du monde civilisé ».- Comp. Alain Supiot, Lier l’humanité : du bon usage des droits de l’homme, Esprit, 2005, n° 2, p. 153, qui écrit : « qu’il faut ouvrir [l’]interdiction [du travail des enfants en Afrique] à un jeu d’interprétation où l’Afrique aurait son mot à dire [obligeant] l’Occident en retour à s’interroger sur la manière pas forcément exemplaire dont les enfants y sont élevés et à découvrir que le travail scolaire est aussi un travail, bien qu’il soit ignoré du Droit du travail » ; qu’il faut se garder d’« une « application ‘fondamentaliste’ des droits de l’Homme [qui ne peut que précipiter] le saccage des structures sociales qui sont le lieu vivant de la transmission des valeurs de la culture africaine ».

[26]V. Déclaration de l’OIT relative aux principes et droits fondamentaux au travail et son suivi (1998), préambule où on rappelle qu’en adhérant librement à l’OIT, l’ensemble de ses Membres ont accepté les principes et droits énoncés dans sa Constitution et dans la Déclaration de Philadelphie, et se sont engagés à travailler à la réalisation des objectifs d’ensemble de l’Organisation, dans toute la mesure de leurs moyens et de leur spécificité; que ces principes et droits ont été exprimés et développés sous forme de droits et d’obligations spécifiques dans des conventions reconnues comme fondamentales, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’Organisation. La CIT en déduit que tous les membres de l’OIT, même lorsqu’ils n’ont pas ratifié les conventions en question, ont l’obligation, du seul fait de leur appartenance à l’Organisation, de respecter, promouvoir et réaliser, de bonne foi et conformément à la Constitution, les principes concernant les droits fondamentaux qui sont l’objet desdites conventions.

[27]http://www.ilo.org/dyn/normlex/fr/f?p=1000:1::CHANG_LANG

[28]La Bolivie a ratifié toutes les conventions fondamentales (https://www.ilo.org/dyn/normlex/fr/f?p=1000:11200:0::NO:11200:P11200_COUNTRY_ID:102567). Pourtant, son président défend le travail des enfants. V. Chrystelle Barbier, La Bolivie autorise le travail des enfants dès 10 ans : Le Mondedu 5 juillet 2014.

[29]V. http://www.cnrtl.fr/definition/interstice : « b. lat. interstitium « intervalle », dér. de interstare« se trouver entre ».

[30]V., René de Quenaudon, « Le développement durable, la RSE et le droit, ou la rencontre de trois ordres imaginaires », Entreprise et responsabilité sociale en questions, Garnier, coll. « Savoirs et controverses », 2017, p. 107-121

[31]V. Sherpa, Réguler les entreprises transnationales 46 propositions, 12 janvier 2011, p. 61 : « Le ‘contrat durable’ entend injecter une dose de responsabilité d’intérêt général dans les interstices des relations contractuelles, où il est légitime de combler un vide juridique », https://www.asso-sherpa.org/wp-content/uploads/2013/11/CDP-francais.pdf

[32]Anne-Marie Ho Dinh, Le « vide juridique » et le « besoin de loi » pour un recours à l’hypothèse du non-droit, L’Année sociologique, 2007/2 (Vol. 57), pp. 419-453, https://www.cairn.info/revue-l-annee-sociologique-2007-2-page-419.htm: « Le juriste, lorsqu’il étudie le « vide juridique », porte son regard sur le droit en tant que système. Il cherche à savoir si toute action est ou non prise en compte par le droit de façon positive (permission) ou négative (interdiction). Pour cette raison, le « vide juridique » est un mythe pour les juristes. Il faut évoquer ici les théories qui font du système juridique un ensemble complet, pour montrer que, dans le langage courant, le « vide juridique » fait référence aux lacunes de la loi. Celles-ci sont par ailleurs rendues possibles par la prise en considération d’un élément particulier de ce système et notamment par l’acceptation d’un jugement extérieur à celui-ci. ».- E. Bernheim, « Le « pluralisme normatif » : un nouveau paradigme pour appréhender les mutations sociales et juridiques ? », Revue interdisciplinaire d’études juridiques2011/2 (Volume 67), p. 1-41.

[33]V. Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen » du 26 août 1789, art. 4 : « La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui : ainsi, l’exercice des droits naturels de chaque homme n’a de bornes que celles qui assurent aux autres Membres de la Société la jouissance de ces mêmes droits. Ces bornes ne peuvent être déterminées que par la Loi » ; art. 5 : « La Loi n’a le droit de défendre que les actions nuisibles à la Société. Tout ce qui n’est pas défendu par la Loi ne peut être empêché, et nul ne peut être contraint à faire ce qu’elle n’ordonne pas. »

[34]V. O. Pfersmann, « Lacunes et complétudes », in D. Alland et S. Rials (dir.), Dictionnaire de la culture juridique, Paris, PUF, coll. « Quadrige », 2003, 911 : il y a lacune « lorsqu’une norme prévoit une action dont la réalisation est conditionnée par celle d’une autre action sans indiquer selon quelles modalités celle-ci devrait être réalisée (par exemple, la constitution prévoit l’élection du président mais ne définit pas le mode de scrutin applicable) »

[35]V. Conseil d’État, Simplification et qualité du droit, 13 juillet 2016.- Mesurer l’inflation normative, 3 mars 2018.

[36]Ainsi le droit du travail tend à combler un interstice où un rapport de force inégal permet l’exploitation de la main-d’œuvre salariée, le droit de l’environnement entend mettre fin à un interstice laissant les individus saccager la « nature »…

[37]Il suffit de songer aux niches fiscales, à l’autonomie de la personne morale, à la possibilité de choisir la loi applicable, de recourir à l’arbitrage…

[38]Paul Foriers, « Les lacunes du droit », in Le problème des lacunes en droit (textes publiés par C. Perelman), Bruxelles, Éditions de l’Université de Bruxelles, 1968, 9-29.- Marie-Ange Moreau, De la transnationalité de la relation de travail, Droit social2011 p. 1174 s.

[39]Depuis le mois d’octobre 2017, un groupe intergouvernemental, mandaté par le Conseil des droits de l’Homme de l’ONU, travaille sur un projet de traité destiné à prévenir les violations des droits humains par les ST et les sanctionner en cas de violation. L’initiative onusienne, portée par l’Équateur, l’Afrique du Sud et de nombreux pays en développement, date de 2014. A ce stade, le projet de traité reprend en grande partie les éléments de la loi française sur le devoir de vigilance de mars 2017, tout en allant plus loin (v. B. Héraud, Un traité international sur le devoir de vigilance des multinationales ébauché en 2018, Novethic, 31 oct. 2017). On peut souhaiter à cette initiative de ne pas connaître le sort qui vient de frapper le projet de « pacte mondial pour l’environnement » (V. Audrey Garric, Coup d’arrêt pour le pacte mondial pour l’environnement : Le Mondedu 24 mai 2019), également porté par la France.

[40]V., par exemple, L. Sinopoli, Ancrer la « RSE » des multinationales – Pistes sur le terrain des conflits de lois : Cahiers de droit de l’entreprisen° 5, septembre 2017, dossier 31.

[41]Nous appelons ainsi les entreprises qui opèrent à travers les frontières nationales, quelle que soit leur branche d’activité (V., en ce sens, François Rigaux, Les sociétés transnationales, in Droit International. Bilan et perspectives(dir. M. Bedjaoui), Éd. Pedone, 1991, Tome 1, ch. V).

[42]Principes directeurs à l’intention des entreprises multinationales, 1976 (4^eéd. 2011).

[43]Déclaration de principes tripartite sur les entreprises multinationales et la politique sociale, 1977 (5^eéd. 2017).

[44]Ce à quoi, on peut ajouter le projet de projet de traité destiné à prévenir les violations des droits humains par les ST et les sanctionner en cas de violation, en cours d’élaboration (v. supra).

[45]Sur le droit souple, v. infra, I, C.

[46]La raison tient évidemment à l’impossibilité ou, pour le moins, à la très grande difficulté de recourir à un juge lorsque la norme appartient au droit souple (v., par exemple, CA Versailles, 22 mars 2013, n° 11-05331, Association France-Palestine Solidarité « AFPS » et Organisation de Libération de la Palestine « OLP » c./ Société Alstom Transport SA, Société Alstom SA et SA Veolia Transport : https://www.france-palestine.org/IMG/pdf/decision_de_la_cour_d_appel.pdf). Celle-ci énonce des « principes », non des « règles » (sur la distinction, v. R. Dworkin, Prendre les droits au sérieux, Léviathan, PUF, 1995, Chapitre 2, spéc. pp. 82-87).

[47]V. BIT, Rapport IV, Le travail décent dans les chaînes d’approvisionnement mondiales, Conférence internationale du travail 105^esession, 2016, p. 71.

[48]V. not. les documents demandés dans le cadre de l’article L 225-102-1 C. commerce, texte qui a été modifié presque chaque année depuis la loi n°2001-420 du 15 mai 2001 (en dernier lieu, loi n°2018-771 du 5 septembre 2018 – art. 84).

[49]« La recherche d’un “équilibre coopératif” entre les multiples pressions que subissent les dirigeants au nom de la prise en compte de la dimension économique, environnementale et sociale du développement durable est une chimère. Chacun est légitime dans son registre, fondé à tenir son discours, à préconiser ses solutions. Mais les intérêts des uns et des autres ne sont pas identiques, les horizons auxquels ils se réfèrent sont différents. La seule bonne volonté des acteurs ne peut les rendre convergents. C’est dans l’organisation de leur confrontation, que l’arbitrage puise sa légitimité » (N. Notat, L’entreprise responsable, une urgence, éditions dialogues, 2012, p. 71).

[50]V., par exemple, Le Club des juristes, Le rôle sociétal de l’entreprise. Éléments de réflexion pour une réforme. Groupe de travail présidé par Antoine Frérot, Président-Directeur Général, Veolia et Daniel Hurstel, Avocat, Willkie Farr & Gallagher LLP, 1^eravril 2018, not. p. 65 s.

[51]Sur la question de savoir si, dans sa prise de décision, le chef d’entreprise choisit de respecter le droit dur, v. P. Godé, L’entreprise et le droit, Académie des sciences morales et politiques, séance du lundi 21 janvier 2008 , http://www.asmp.fr/travaux/communications/2008/gode.htm

[52]V. Jean-Philippe Robé, L’entreprise et la constitutionnalisation du système-monde de pouvoirs, séminaire du Comptrasec, 24 nov. 2011 : http://comptrasec.u-bordeaux.fr/sites/default/files/seminaires-pdf/Robe.pdf

[53]V. Conseil d’État, Le droit souple, Rapport, 2013.

[54]V. Marie-Anne Frison-Roche, Le droit de la compliance au-delà du droit de la régulation : Recueil Dalloz2018 p. 1561 s. : « Ce que l’on appelle souvent la ‘responsabilité sociale de l’entreprise (RSE)’ n’est pas tout autre chose que la compliance, n’est pas même seulement en « lien » avec la compliance : c’est la compliance elle-même. »

[55]Discours à Orange (Vaucluse), le 26/09/1963 : http://www.ina.fr/video/I00012370

[56]V. Principes de fonctionnement de la Plateforme nationale d’actions globales pour la responsabilité sociétale des entreprises rattachée au Premier ministre via le Commissariat général France Stratégie adoptés en assemblée plénière le 26 janvier 2015, p. 3.

[57]http://www.strategie.gouv.fr/chantiers/plateforme-rse

[58]Secrétariat permanent de la plateforme RSE, Note de cadrage pour le Groupe de travail Plan National RSE, du 25 février 2015.

[59]https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/conference-environnementale: « La conférence environnementale réunit les partenaires du dialogue environnemental (ministres, représentants d’organisations non gouvernementales, organisations syndicales, organisations d’employeurs, collectivités territoriales et parlementaires). Chaque rendez-vous permet de faire le point sur l’avancement des thématiques identifiés (sic) précédemment, et de définir un nouveau programme de travail en matière de développement durable ».

[60]V. https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/sites/default/files/Conf%C3%A9rence_environnementale_FRTE_2013.pdf.- Béatrice Héraud et Véronique Smée, Conférence environnementale : des avancées qui demandent à être confirmées : Novethic17 sept. 2012.

[61]Conférence environnementale 2012, feuille de pour la transition écologique, op. cit., p. 22.- Il est à relever que la Déclaration, en date du 14 septembre 2012, du Président de la République à l’occasion de la Conférence environnementale ne la mentionne pas.- V. égal. Frédéric Lemaître, Six engagements présidentiels sur des dossiers sensibles : Le Mondedu 15 sept. 2012.

[62]V. Béatrice Héraud, La plateforme RSE bientôt en ordre de marche : Novethic, 9 avril 2013.

[63]V. Décret n° 2013-333 du 22 avril 2013 portant création du Commissariat général à la stratégie et à la prospective.

[64]V. Discours de Jean-Marc Ayrault, Premier ministre, pour le lancement de la plateforme dédiée à la RSE : Hôtel de Matignon, le 17 juin 2013 : « Je vous propose donc de débattre aujourd’hui des objectifs et des modalités de fonctionnement que vous souhaitez assigner à cette plateforme. Le format qui vous est proposé aujourd’hui n’est pas figé. Les prochaines réunions seront l’occasion de partager les modalités de travail de la plateforme. Je vous remercie par avance des travaux qui seront menés notamment dans le cadre de groupes de travail plus techniques. Monsieur le commissaire général, à qui je confie le rôle de piloter ces travaux, ne manquera pas de m’en tenir informé ».- .Jean Pisani Ferry, commissaire général à la stratégie et la prospective, installation de la plateforme RSE, 17 juin 2013 : « Enfin, nous aurons sans doute des débats sur l’organisation même de notre plateforme. Votre intention, Monsieur le Premier ministre, était de longue date d’installer celle-ci au CGSP, et je ne vais pas vous le reprocher ! Mais il en est résulté, pour répondre à l’impatience, une accélération après la création du Commissariat dont certains ont regretté qu’elle ne laisse pas tout le temps souhaitable au dialogue sur les contours de notre plateforme. Eh bien ce dialogue, nous allons l’avoir maintenant ».

[65]Commissariat général à la stratégie et la prospective, Michel Doucin nommé secrétaire général de la plateforme RSE, 16 juillet 2013.

[66]V. Lettre de mission adressée au secrétaire permanent, du 26 juillet 2013.

[67]V. Lettre adressée par le Premier ministre le 7 juin 2013 à la ministre de l’Ecologie, du Développement Durable et de l’Energie.

[68]Il arrive que cette structure elle-même publie des études sur la RSE. V. S. Benhamou et M.-A. Diyae, en collaboration avec Patricia Crifo, « Responsabilité sociale des entreprises et compétitivité », France Stratégie, janvier 2016.

Évaluation et approche stratégique

[69]V. décret n° 2017-392 du 24 mars 2017 modifiant le décret n° 2013-333 du 22 avril 2013 portant création du Commissariat général à la stratégie et à la prospective, article 5 : « Avant le dernier alinéa de l’article 5, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés : ‘Une plateforme nationale d’actions globales pour la responsabilité sociétale des entreprises est créée au sein de France Stratégie Elle regroupe les administrations compétentes, les organisations représentant les entreprises et le monde économique, les organisations syndicales de salariés, des représentants de la société civile et de la recherche. Elle émet des avis sur les questions qui lui sont soumises et formule des recommandations sur les questions sociales, environnementales et de gouvernance soulevées par la responsabilité sociétale des entreprises. Sa composition est fixée par arrêté du Premier ministre‘. ‘Le Conseil national de productivité […] ‘ ».

[70]V. Principes de fonctionnement de la Plateforme nationale d’actions globales pour la responsabilité sociétale des entreprises rattachée au Premier ministre via le Commissariat général France Stratégie adoptés en assemblée plénière le 26 janvier 2015 : http://www.strategie.gouv.fr/sites/strategie.gouv.fr/files/atoms/files/principes_de_fonctionnement_05_07_2016.pdf

[71]V. H. Valade, « Un énorme travail d’écoute, d’argumentation et de dialogue », 15 déc. 2016 : http://www.strategie.gouv.fr/actualites/un-enorme-travail-decoute-dargumentation-de-dialogue

[72]V. Plateforme RSE, Rapports d’activité2016 et 2017.- H. Valade, art. cit.

[73]Michel Doucin, qui fut le premier secrétaire général de la plateforme, a probablement contribué à lui donner une impulsion allant dans le sens d’un encadrement par l’État des pratiques des entreprises. V. M. Doucin, Il existe une doctrine française de la responsabilité sociale des entreprises : Droits fondamentaux, n° 4, janvier – décembre 2004.- Interview de Michel Doucin, ambassadeur chargé de la bioéthique et de la responsabilité sociale des entreprises (RSE) par Joëlle Brohier, www.RSE-et-PED.info, 26 septembre 2008.- Adde . Desbarats, La RSE « à la française » : où en est-on ?: Droit social2018 p. 525 s.

[74]V. Réponse à la consultation de la Commission européenne sur les lignes directrices sur le reporting extra-financier d’avril 2016 ; Réponse à la consultation de la direction générale du Trésor sur la transposition de la directive « reporting extra financier » de juillet 2016 ; Réponse à la consultation de la Commission européenne sur les lignes directrices en matière de reporting extra-financier (sic) de février 2017 (Le 24 février 2017, elle a adressé au vice-président de la Commission européenne chargé de la stabilité financière, des services financiers et de l’Union du marché des capitaux une réponse à la consultation qu’il avait ouverte en février).

[75]Il s’agissait, pour la Plateforme, de contribuer à l’écriture d’un plan pour le développement de la RSE conformément à la demande adressée par la Commission européenne à l’ensemble des États membres

en 2011.

[76]La Plateforme RSE a été invitée à répondre à une enquête.

[77]V. P. Veyne, Les Grecs ont-ils cru à leurs mythes? Essai sur l’imagination constituante, Editions du Seuil, 1983.

[78]V. en ce sens H. Valade, art. cit. qui, à la question « Les recommandations de la Plateforme RSE sont-elles suivies d’effets ? », répond, en tant que présidente de la plateforme : « Oui. En 2015, de nouvelles obligations de reporting extra financier [ndlr : communication du bilan socio-environnemental des impacts de l’activité d’une organisation] ont été adoptées pour les investisseurs institutionnels [ndlr : banques, fonds de pension, sociétés d’assurance, caisses de retraite], en écho aux propositions de la Plateforme. Autre exemple : la réforme de la législation sur l’attribution des marchés publics en 2016. Elle a intégré des éléments de RSE supplémentaires dans les critères d’attribution en suivant les recommandations de la Plateforme. Nos travaux ont aussi été repris dans l’élaboration de la position de la France à la Conférence internationale du travail [ndlr : l’assemblée générale de l’OIT qui réunit chaque année ses 185 États membres représentés chacun par une délégation tripartite (gouvernement, employeurs, travailleurs)] ».

[79]Il est évidemment impossible que toutes les propositions de la plateforme soient reprises par le gouvernement, le parlement, l’Union européenne, les entreprises…

[80]De ce point de vue, la teneur de la plupart des documents de la plateforme montre le fossé qui la sépare d’une autorité administrative indépendante (AAI) ou d’une structure assimilée à une AAI telle la CNDH (v. loi n° 2007-292 du 5 mars 2007 relative à la Commission nationale consultative des droits de l’homme, art. 1, § 2). Concernant la plus grande liberté d’expression dont dispose la CNCDH par rapport à notre sujet, v. CNCDH, « Entreprises et droits de l’homme : avis sur les enjeux de l’application par la France des Principes directeurs des Nations unies », Assemblée plénière du 24 octobre 2013. Synthèse des propositions de la CNCDH, not. II sur l’effectivité des voies de recours ou encore les notes 32 et 34 qui citent des entreprises condamnées en justice.

[81]Conseil d’État, Rapport, préc., not « 1.3.4 Le droit souple s’inscrit dans une échelle de « normativité graduée ».- Rappr. J. Pisani-Ferry, discours lors de l’installation de la plateforme RSE le 17 juin 2013 : « Nous [aurons des discussions] certainement sur la méthode. Je sais bien sûr qu’il y a dans cette salle des acteurs qui sont attachées (sic) à la soft law et au volontariat, plus propice à la responsabilisation des acteurs et d’autres qui penchent davantage vers la hard law dans laquelle ils voient un moyen d’ancrer la RSE dans les comportements des entreprises. Il nous faudra réfléchir aux apports et aux limites de l’une et de l’autre ».

[82]Par exemple, la situation de transnationalité étant rare, nous n’étudierons pas le rapport sur l’implication des salariés dans les démarches RSE dans les TPE-PME-ETI de mars 2016, ou celui sur la RSE, levier de compétitivité et de mise en œuvre du développement durable, en particulier pour les TPE-PME, de mars 2016.

[83]Nombreux sont les travaux de la plateforme qui sont sans intérêt ici, soit parce qu’il ne s’agit pas de sociétés transnationales, soit parce qu’il ne s’agit pas de relations de travail.

[84]V., par exemple, ONU, Programme relatif à la poursuite de la mise en œuvre d’Action 21 : Sommet « Planète Terre +5 » (New York, 1997).- CCNUCC, Accord de Paris (COP 21) du 12 déc. 2015, p. 39 s.- Adde J.-Cl. Trichet, Transparence et démocratie, Académie des sciences morales et politiques, 2012, http://seance-cinq-academies-2012.institut-de-france.fr/transparence-et-democratie

[85]V. ISO 26000, § 4.3 : « Il convient que l’organisation diffuse de manière claire, juste et exhaustive et à un degré raisonnable et suffisant, les politiques, décisions et activités dont elle est responsable, de même que leurs effets connus et probables sur la société et l’environnement. Il convient que ces informations soient disponibles, directement accessibles et compréhensibles pour ceux qui sont ou peuvent être touchés de diverses manières par l’organisation. Il convient qu’elles soient actualisées, basées sur des faits et présentées de manière claire et objective, pour permettre aux parties prenantes d’évaluer avec justesse l’impact des décisions et activités de l’organisation sur leurs intérêts ».- OCDE, Principes directeurs à l’intention des entreprises multinationales, 2011, p. 20, 29 s., 52 s., 77 et 85.- Directive 2014/95/UE du Parlement européen et du Conseil du 22 octobre 2014 modifiant la directive 2013/34/UE en ce qui concerne la publication d’informations non financières et d’informations relatives à la diversité par certaines grandes entreprises et certains groupes.- Code de commerce, art. L 225-102-1.- Code du travail, art. L 2312-25, II, 2° (ordonnance n°2017-1386 du 22 septembre 2017 – art. 1 et loi n°2017-1837 du 30 décembre 2017 – art. 86 (V)).- Adde Th. Brière, « Les entreprises ne pourront demeurer des bastions d’opacité dans un monde de transparence » : Le Mondedu 13 septembre 2018.

[86]Le Global Reporting Initiative (GRI) (https://www.globalreporting.org/Pages/default.aspx) est né en 1997.

[87]Loi n°2001-420 relative aux nouvelles régulations économiques (NRE) du 15 mai 2001.

[88]V. art. L 225-102 C. commerce.

[89]Art. L 225-102-1 C. commerce.

[90]Afin de renforcer la transparence de l’entreprise dans le domaine extra-financier, l’article L 2312-25 du code du travail (modifié par la loi n°2017-1837 du 30 décembre 2017 – art. 86 (V)) impose la transmission de cette déclaration de performance au comité social et économique (CSE).

[91]V. N. Boileau, L’art poétique, Imprimerie générale, 1872, p. 203 s.

[92]Directive 2014/95/UE préc.- Ordonnance n°2017-1180 relative à la publication d’informations non financières par certaines grandes entreprises et certains groupes d’entreprises du 19 juillet 2017 – art. 1.- N. Cuzacq, Le nouveau visage du reporting extra-financier (sic) français : Revue des sociétés2018, 1.

[93]Plateforme RSE, Rapport (d’étape) sur les implications de la responsabilité des entreprises sur leur chaîne de valeur, du10 novembre 2014, pp. 11-12.

[94]V. C. Morin, Entretien exclusif avec Jean-Marie Peretti, le Président de l’Institut international de l’audit social : Novethic3 décembre 2012.

[95]Concernant l’audit environnemental, v. ISO 14001.- Règlement (UE) 2017/1505 de la Commission du 28 août 2017 modifiant les annexes I, II et III du règlement (CE) n°1221/2009 du Parlement européen et du Conseil permettant la participation volontaire des organisations à un système communautaire de management environnemental et d’audit (EMAS).

[96]L’ISO 2600 se réfère d’innombrables fois au concept de « devoir de vigilance ». V. §§ 4.7, 5.2, 6.2.2, 6.3.2.2., 6.3.3., 6.3.4.2, 6.3.5.1., 6.3.5.2, 6.3.9.2…

[97]V. C’est le cas des PDNU, préc., p. 6 s., 20, et, par la suite, des PDOCDE (à partir de 2011), préc., p. 23 : « Dans les Principes directeurs, on entend par diligence raisonnable le processus qui, en tant que partie intégrante de leurs systèmes de prise de décisions et de gestion des risques, permet aux entreprises d’identifier, de prévenir et d’atténuer les incidences négatives, réelles ou potentielles, de leurs activités, ainsi que de rendre compte de la manière dont elles abordent cette question ».

[98]V., par exemple, BIT, Résolution concernant le travail décent dans les chaînes d’approvisionnement mondiales, Genève, 10 juin 2016 : https://www.ilo.org/wcmsp5/groups/public/—ed_norm/—relconf/documents/meetingdocument/wcms_498352.pdf.-C. Cosme, Pourquoi s’intéresser aux chaînes d’approvisionnement ?: Semaine Sociale Lamy, n° 1736, 19 septembre 2016.

[99]V. Assemblé nationale, proposition de loi n° 2578 relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre, du 11 février 2015.- Il faut aussi noter qu’il y a eu une réaction de certains milieux d’affaires afin de contractualiser la vigilance dans les chaînes d’approvisionnement. V. Fédération des enseignes de l’habillement (FEH) qui a publié en juin 2014 un « Guide des achats responsables sur le marché international ».- V. également, BIT, Rapport IV, Le travail décent dans les chaînes d’approvisionnement mondiales, Conférence internationale du travail 105^esession, 2016, p. 54 qui fait état des législations californienne et britannique afin d’assurer le respect des droits fondamentaux dans les chaînes d’approvisionnement.

[100]V. loi n° 2017-399, 27 mars 2017, relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre

[101]V. Recommandations de la Plateforme RSE au terme de sa première année de travail au sein de France Stratégie, 14 octobre 2013.

[102]Plateforme RSE, Rapport (d’étape), préc., p. 10.

[103]Rapport, préc., p. 10.

[104]Guide COFACE risques pay et sectoriels 2018 : http://www.coface.fr/Actualites-Publications/Publications/Analyse-des-risques-pays-et-sectoriels-pour-160-pays-et-13-secteurs

[105]Rapport, préc., p. 12, point 14.

[106]Rapport, préc., p. 12-13.- Rappr. Résolution du Parlement européen sur « la responsabilité sociale des entreprises dans les accords commerciaux internationaux » de novembre 2010.

[107]Rapport, préc., p. 13, note 1 : « Il a été relevé que ces derniers accords signés sont des accords dit ‘mixtes’, c’est-à-dire soumis à la compétence de l’Union européenne pour les dispositions commerciales et d’investissement, et soumis aux États-membres pour les dispositions sociales et environnementales ».

[108]Rapport, préc., p. 13.

[109]Ibid.

[110]Rapport, préc., p. 14.

[111]Rapport, préc., p. 16.

[112]Ibid.

[113]PDNU, p. 34 s.

[114]Ibid.

[115]Rapport, préc., p. 17.

[116]H. Valade, art. cit., déclare : « Nos travaux ont aussi été repris dans l’élaboration de la position de la France à la Conférence internationale du travail ».

[117]Contribution de la Plateforme RSE à la préparation de la 105^eConférence internationale du travail du 12 avril 2016, p. 7.

[118]P. 45 s.

[119]Avis cit., p. 47.

[120]Avis cit., p. 50. L’avis cite comme « Outils d’auto-évaluation » : le Global Assessment Tool(2010) du Global Compact et le Human Rights Compliance Assessment 2.0(2010) du Danish Institute for Human Rights permettent d’évaluer la conformité des pratiques d’une entreprise avec le Pacte mondial de l’ONU et les Principes de l’ONU sur les entreprises et les droits de l’homme.

[121]Avis cit., p. 55.

[122]Ibid.

[123]Avis cit., p. 68.

[124]Avis cit., p. 69.

[125]Avis cit., p. 76.

[126]Avis cit., p. 77.

[127]Ibid.

[128]Ibid.

[129]Ibid.

[130]Avis, p. 9.

[131]Avis, préc., p. 97 s.

[132]Avis, préc., p. 104.

[133]Avis, p. 15. Pour la définition de la sphère d’influence, la plateforme s’appuie sur l’ISO 26000 : « La norme internationale ISO 26 000 définit la sphère d’influence comme ‘un domaine des relations politiques, contractuelles, économiques ou autres à travers lesquelles une organisation a la capacité d’influer sur les décisions ou les activités de personnes ou d’autres organisations’. Elle désigne donc l’aire d’exercice d’un pouvoir entendu comme la capacité pour une entreprise d’orienter les conduites et l’activité d’autres entreprises, même si elles ont par ailleurs leur autonomie juridique ».

[134]Avis, cit., p. 33.

[135]ISO 26000, préc..- Loi du 27 mars 2017, préc.- Loi 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dite Sapin 2.

[136]PDOCDE, préc., pour lesquels, la diligence raisonnable désigne : « les « processus qui, en tant que partie intégrante de leurs systèmes de prise de décision et de gestion des risques, permet[tent] aux entreprises d’identifier, de prévenir et d’atténuer les incidences négatives, réelles ou potentielles de leurs activités, ainsi que de rendre compte de la manière dont elles abordent cette question ». – Haut-Commissariat pour les droits de l’homme des Nations unies (2012), La responsabilité des entreprises de respecter les droits de l’homme, guide interprétatif, p. 6 : « Dans le cadre des Principes directeurs des Nations unies, la diligence raisonnable en matière de droits de l’homme comprend une procédure de gestion continue, qu’une entreprise raisonnable et prudente se doit de réaliser, à la lumière des circonstances (à savoir le secteur, le contexte d’exploitation, la taille et autres facteurs similaires) pour accomplir sa responsabilité en matière de respect des droits de l’homme ».- Conseil de l’Europe, Recommandation du Comité des Ministres aux États membres sur les droits de l’homme et les entreprises, mars 2016.

[137]Avis cit., p. 34, note 16 : « Bureau international du travail (2016), Le travail décent dans les chaînes d’approvisionnement mondiales, rapport ».

[138]Avis, cit., p. 21.

[139]V. Avis cit. note 77 : « Le pôle des organisations syndicales de salariés, le pôle des organisations de la société civile, le pôle des chercheurs et développeurs de la RSE et le pôle des institutions publiques se sont prononcés en faveur de cette recommandation ».

[140]Avis cit., p. 44. La plateforme rappelle qu’« En 2010, l’Organisation internationale du Travail (OIT) a mis sur pied le Réseau international Entreprises et Handicap, qui regroupe des multinationales, des organisations nationales d’employeurs, des réseaux d’entreprises et des organisations de personnes handicapées. Ses membres travaillent à l’élaboration d’outils à même de promouvoir l’inclusion des personnes handicapées sur leurs lieux de travail. Le 28 octobre 2015, onze grandes entreprises ont signé la Charte du réseau mondial Entreprises et Handicap de l’OIT. Elles ont été rejointes par quatre autres le 29 juin 2016 »

[141]V. Projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises, 19 juin 2018, devenu, depuis que notre texte a été rédigé, la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises (JORFn°0119 du 23 mai 2019).

[142]V. Rapport « L’entreprise, objet d’intérêt collectif » de Jean-Dominique Senard et Nicole Notat : https://www.economie.gouv.fr/mission-entreprise-et-interet-general-rapport-jean-dominique-senard-nicole-notat.- J.-B. Barfety, Chaque entreprise a une raison d’être : Revue de droit du travail2018 p. 268.

[143]Article 1240 C. civ. depuis l’Ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 (art. 2).

[144]« Pour le pôle des entreprises et du monde économique, la réforme des articles 1832 et 1833 du code civil n’est pas la bonne réponse. Elle serait source de risques multiples, notamment de nature contentieuse, pour les entreprises françaises, sans bénéfice démontré pour les parties prenantes. En outre, une telle réforme, du fait de son positionnement dans le code civil, affecterait toutes les sociétés, qu’elles soient civiles ou commerciales, et ce, quelles que soient leur taille ou leur activité (sociétés holdings, sociétés industrielles et commerciales, sociétés patrimoniales) ». « Pour le pôle des organisations syndicales de salariés9, le pôle des organisations de la société civile et le pôle des chercheurs et développeurs de la RSE, la révision des articles 1832 et 1833 est une réponse nécessaire à la prise en compte des évolutions de l’entreprise et du management depuis 1804, et des nombreux changements du contexte économique, social, environnemental et politique » (Avis, cit., p. 11)..

[145]Article 1241 depuis l’Ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 (art. 2).

[146]L’article 61 modifie également l’article 1835 du code civil. Il est complété d’une phrase ainsi rédigée : « Les statuts peuvent préciser la raison d’être dont la société entend se doter dans la réalisation de son activité. »

[147]Avis cit., p. 13.

[148]Pacte pour la compétitivité de l’industrie française, La documentation française, 2012.

[149]V., déjà, « Contribution au plan national d’actions prioritaires pour le développement de la RSE », préc.

[150]Avis, cit., p. 14.

OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
Interstices (12 juin 2019). L’appréhension des interstices de transnationalité au sein de la plateforme RSE. Interstices de transnationalité. Consulté le 11 septembre 2024 à l’adresse https://doi.org/10.58079/qdrr

L’appréhension des interstices de transnationalité au sein de la plateforme RSE

I.- Quelques mots-clés

A) Droits humains des travailleurs

B) Interstice(s)

C) Responsabilité sociale de l’entreprise

II.- De la plateforme et de sa contribution à la lutte contre les interstices transnationaux sociaux

A) Un condensé de l’histoire de la plateforme

B) Les apports de la plateforme RSE à la lutte contre les interstices transnationaux sociaux

1) La transparence

2) La vigilance

3) La gouvernance

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